Les probiotiques et la santé buccale
Introduction
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité adéquate, ont des effets bénéfiques sur la santé en modifiant la composition de la flore intestinale [1]. Il s’agit le plus souvent de bactéries ou de levures présentes soit dans des aliments, notamment les produits laitiers fermentés, soit dans des compléments alimentaires sous forme lyophilisée.
Les probiotiques les plus courants sont:
1) Les “bactéries lactiques”. Par exemple Streptococcus thermophilus et Lactobacillus bulgaricus qui servent à la fabrication du yaourt à partir de lait. Elles produisent une enzyme (lactase) qui coupe le sucre complexe du lait (lactose) en deux sucres simples (glucose et galactose). Puis le glucose est transformé en acide lactique (glycolyse) par ces bactéries. C’est l’acide lactique qui donne son goût légèrement aigrelet au yaourt et qui permet aux protéines du lait de coaguler.
2) Les bifidobactérium. Ce sont des bactéries normalement présentent dans le tube digestif. Chez l’homme, l’espèce la plus courante est Bifidobacterium bifidum (dit “bifidus”).
Effets bénéfiques
1) Ils augmentent la résistance aux pathogènes en limitant leur possibilité d’adhésion aux muqueuses [2,3].
2) Ils modifient la réponse immunitaire, permettant par exemple à des souris immunodéprimées de mieux résister à la candidose [4, 6, 7]. Une étude parue en 2000 a démontré une augmentation de la quantité de lymphocytes CD4+ et une augmentation de la capacité de phagocytose des polymorphonucléaires après une supplémentation en Bifidobacterium lactis chez 30 sujets âgés [13].
Une autre étude parue en 2001, en double aveugle contre placebo, portant sur 25 sujets a également mis en évidence l’effet stimulant sur le système immunitaire d’une supplémentation en B. lactis [14]. Une étude de 2007 [15] confirme l’augmentation de l’activité des lymphocytes NK par l’apport de lactobacillus casei durant 3 semaines.
Bien que la plupart des études aillent dans le sens d’un renforcement de l’immunité innée (première ligne de défense contre l’infection), peu d’études ont analysé l’impact des probiotiques sur l’incidence des épisodes infectieux. En 2003, Turchet et al. ont mené un étude randomisée sur 360 personnes âgées dont une partie recevait une supplémentation de S. thermophilus, L. bulgaricus et L. casei durant 3 semaines. Le taux d’infection hivernale était le même dans les deux groupes mais la durée des épisodes infectieux était significativement réduite dans le groupe supplémenté en probiotiques [16].
3) Les “bactéries lactiques” produisent diverses substances antimicrobiennes tels que des acides organiques, du peroxyde d’hydrogène, des inhibiteurs de l’adhésion et des molécules antimicrobiennes de bas poids moléculaire [5, 21].
4) L’activité de nos propres enzymes lactiques (lactases situées dans l’intestin grêle) diminue avec le temps et, chez certains adultes, deviennent inefficaces. Le patient est alors dit “alactasique” et ne digère plus le lactose. On considère que 75% des adultes de race noire et 15% des adultes de race blanche sont alactasiques [10].
De nombreuses études ont montré que les enzymes produites par les “bactéries lactiques” participaient, dans l’intestin même, à la digestion du lactose [8,9]. Cet effet permet aux nombreux adultes qui souffrent “d’intolérance” au lactose de consommer des yaourts.
5) Certaines études ont montré que les probiotiques pouvaient diminuer l’incidence de dermatite atopique chez l’enfant. Une étude randomisée en double aveugle contre placebo de Kalliomaki et al. de 2001 [17] a démontré que l’administration de Lactobacillus rhamnosus au mère atopique avant la naissance et à l’enfant durant les 6 premiers mois de vie diminuait par deux le risque de survenue de dermatite atopique à l’âge de 2 ans. L’effet bénéfique persistait chez les mêmes enfant à l’âge de 4 ans [18].
A de très rares exceptions près [11,12] les bactéries ingérées persistent pendant la période de colonisation et sont ensuite éliminées en quelques jours sans qu’il s’établisse une colonisation durable. Pour espérer des effets à long terme, il convient donc d’envisager une consommation régulière, si possible journalière.
Les probiotiques et la santé buccale
Les études concernant les effets des probiotiques sur la santé buccale sont peu nombreuses. Cependant, certains effets favorables ont pu être mis en évidence:
1) Réduction du risque de carie.
Une étude parue en 2005 (Näse et al) [19] randomisée en double aveugle contre placebo a étudié la progression de la carie dans deux groupes de sujets de 1à 6 ans représentant 594 enfants au total.
Le “groupe contrôle” recevait du lait normal 5 fois par semaine pendant que le “groupe probiotique” recevait le même lait enrichi en Lactobacillus rhamnosus. Après 7 mois, le risque de carie était significativement diminué dans le “groupe probiotique”.
2) Lutte contre les maladies parodontales? (gingivite et parodontite)
Une étude de 2008 [20] constate que des échantillons de 10 espèces différentes de Lactobacillus prélevés dans la bouches de sujets sains ont la capacité de bloquer le développement de certaines bactéries pathogènes. Un effet bactériostatique est constaté sur les principaux agents de la parodontite: Aggregatibacter actinomycetemcomitans (anciennement Actinobacillus actinomycetemcomitans) et Porphyromonas gingivalis.
3)Effets des probiotiques contre la candidose.
Il est connu que les probiotiques adhèrent aux muqueuses, limitant ainsi les possibilités de colonisation par des levures du genre Candida [22].
Les Lactobacillus produisent également une substance antifongique capable d’inhiber in vitro la croissance des Candida [23].
En 2007, une étude clinique portant sur près de 300 personnes âgées a tenté de mettre en évidence un éventuel effet bénéfique des probiotiques sur la santé buccale [24]. Pour cette expérience en double aveugle contre placebo, 276 sujets ont été répartis aléatoirement en deux groupes. Le premier groupe recevait chaque jour une portion de 50g de fromage Emmmental normal (groupe contrôle) alors que le second groupe recevait la même portion enrichie en probiotiques (entre autre: Lacobacillus rhamnosus). Durant l’étude, ni les patients, ni les chercheurs ne savaient dans quel groupe se situaient les différents patients.
Après 16 semaines, différents paramètres ont été mesurés chez tous les patients et comparés à ceux obtenu avant de commencer l’expérience. On constata alors que la proportion de sujets présentant une forte concentration de Candida dans la salive avait diminué de 32% dans le groupe “probiotique” alors que ce nombre avait augmenté dans le groupe “contrôle”.
Le flux salivaire avait également augmenté dans le groupe “probiotique” alors qu’il avait diminué dans le groupe “contrôle”. Un flux salivaire augmenté diminue, entre-autre, le risque de carie.
En conclusion, les probiotiques semblent réduire la quantité de levures du genre candida dans la cavité buccale. Cette réduction diminue le risque d’apparition de candidose buccale. L’apports en probiotiques paraît donc être un bon complément aux traitements classiques. Les effets sur l’incidence de la carie ou des maladies parodontales (gingivite et parodontite) sont prometteurs mais doivent être encore confirmés.
1. Ouwehand AC, Salminen S, Isolauri E. Probiotics: an overview of beneficial effects. Antonie Van Leeuwenhoek. 2002;82:279–89.
2. Isolauri E, Majamaa H, Arvola T, Rantala I, Virtanen E, Arvilommi H. Lactobacillus casei strain GG reverses increased intestinal permeability induced by cow milk in suckling rats. Gastroenterology 1993; 105: 1643–1650.
3. Vanderhoof JA, Whitney DB, Antoson DL. Lactobacillus GG in the prevention of antibiotic-associated diarrhoea in children. J Ped 1999; 135: 564–568.
4. Wagner RD, Pierson C, Warner T, Dohnalek M, Farmer J, Roberts L, Hilty M, Balish E. Biotherapeutic effects of probiotic bacteria on candidiasis in immunodeficient mice. Infect Immun 1997; 65: 4165–4172.
5. Silva M, Jacobus NV, Deneke C, Gorbach SL. Antimicrobial substance from a human Lactobacillus strain. Antimicrob Agents Chemother 1987; 31: 1231–123.
6. Isolauri E, Kirjavainen PV, Salminen S. Probiotics-a role in the treatment of intestinal infection and inflammation? Gut 2002; 50(Suppl III): 54–59.
7. Kato I, Yokura T, Mutai M. Macrophage activation by Lactobacillus casei in mice. Micr Immunol 1983; 27: 611–618.
8. Salminen, S., Bouley, C., Boutron-Ruault, M. C., Cummings, J. H., Franck, A., Gibson, G. R., Isolauri, E., Moreau, M. C., Roberfroid, M., and Rowland, I. (1998). Functional food science and gastrointestinal physiology and function. Br J Nutr 80 Suppl 1, S147-171.
9. Salminen, S., Ouwehand, A. C., Isolauri, E. (1997). Clinical application of probiotics. Int Dairy J 8, 563-572.1Basdevant A, Laville M, Lerebours E, (2001).
10. Traité de nutrition clinique de l’adulte. Paris, Flammarion médecine sciences.
11. Johansson, M. L., Molin, G., Jeppsson, B., Nobaek, S., Ahrne, S., and Bengmark, S. (1993). Administration of different Lactobacillus strains in fermented oatmeal soup: in vivo colonization of human intestinal mucosa and effect on the indigenous flora. Appl Environ Microbiol 59, 15-20.
12. Alander, M., Satokari, R., Korpela, R., Saxelin, M., Vilpponen-Salmela, T., Mattila-Sandholm, T., and von Wright, A. (1999). Persistence of colonization of human colonic mucosa by a probiotic strain, Lactobacillus rhamnosus GG, after oral consumption. Appl Environ Microbiol 65, 351-354.
13. Gill HS, Rutherfurd KJ, Cross ML, Gopal PK. Enhancement of immunity in the elderly by dietary supplementation with the probiotic Bifidobacterium lactis HN019. Am J Clin Nutr. 2001;74:833–9.
14. Arunachalam K, Gill HS, Chandra RK.Enhancement of natural immune function by dietary consumption of Bifidobacterium lactis (HN019).Eur J Clin Nutr. 2000 Mar;54(3):263-7.
15. Takeda K, Okumura K.Effects of a fermented milk drink containing Lactobacillus casei strain Shirota on the human NK-cell activity.J Nutr. 2007 Mar;137(3 Suppl 2):791S-3S.
16. Turchet P, Laurenzano M, Auboiron S, Antoine JM.Effect of fermented milk containing the probiotic Lactobacillus casei DN-114001 on winter infections in free-living elderly subjects: a randomised, controlled pilot study.J Nutr Health Aging. 2003;7(2):75-7.
17. Kalliomaki, M., Salminen, S., Arvilommi, H., Kero, P., Koskinen, P., and Isolauri, E. (2001). Probiotics in primary prevention of atopic disease: a randomised placebo-controlled trial. Lancet 357, 1076-1079.
18. Kalliomaki, M., Salminen, S., Poussa, T., Arvilommi, H., and Isolauri, E. (2003). Probiotics and prevention of atopic disease: 4-year followup of a randomised placebo-controlled trial. Lancet 361, 1869-1871.
19. Näse L, Hatakka K, Savilahti E, Saxelin M, Pönkä A, Poussa T, Korpela R, Meurman JH.Effect of long-term consumption of a probiotic bacterium, Lactobacillus rhamnosus GG, in milk on dental caries and caries risk in children.Caries Res. 2001 Nov-Dec;35(6):412-20.
20. Kõll P, Mändar R, Marcotte H, Leibur E, Mikelsaar M, Hammarström L.Characterization of oral lactobacilli as potential probiotics for oral health.Oral Microbiol Immunol. 2008 Apr;23(2):139-47.
21. Zamfir, M, Callewaert, R, Cornea, PC, et al Purification and characterization of a bacteriocin produced by Lactobacillus acidophilus IBB 801. J Appl Microbiol 1999;87,923-931
22. Strus M, Kucharska A, Kukla G, Brzychczy-Wloch M, Maresz K, Heczko PB (2005). The in vitro activity of vaginal Lactobacillus with probiotic properties against Candida. Infect Dis Obstet Gynecol 13:69-75.
23. Ström K, Sjögren J, Broberg A, Schnurer J (2002). Lactobacillus plantarum MiLAB 393 produces the antifungal cyclic dipeptides cyclo(L-Phe-L-Pro) and cyclo(L-Phe-trans-4-OH-L-Pro) and 3- phenyllactic acid. Appl Environ Microbiol 68:4322-4327.
24. Hatakka K, Ahola AJ, Yli-Knuuttila H, Richardson M, Poussa T, Meurman JH, Korpela R. Probiotics reduce the prevalence of oral candida in the elderly–a randomized controlled trial. J Dent Res. 2007 Feb;86(2):125-30.
Commentaires récents